Si nous parlons bollywood aujourd’hui, c’est parce-que le film que nous évoquons, qui traite de l’émancipation des femmes indiennes par le sport, en l’occurence la lutte, n’a rien des clichés classiques de l’industrie cinématographique de Mumbai. Tout d’abord parce-que nous connaissons Aamir Khan, acteur et également producteur du film, comme un anti-héros bollywoodien en tant qu’acteur. En tant que producteur, il a abordé des sujets très profonds : notamment l’autisme dans Taare Zameen Par, et les relations entre les religions dans PK. Ensuite, parce-que ce film met une petite raclée à Salman Khan, qui est pour le coup un cliché du « héros bollywoodien qui reste éternellement jeune premier », récemment à l’affiche dans Sultan, film traitant aussi de la lutte. Ensuite parce que le film met en avant des actrices qui n’appartiennent pas à la scène habituelle de bollywood, et qui ne sont pas issues de ces grandes familles du cinéma hindi, milieu non épargné par le système des clans et des castes.
Et enfin, ce qui a titillé notre féminisme, et qui fait que nous parlons de Dangal aujourd’hui, c’est que le film a une véritable volonté éducative sur les populations : les cinémas qui le diffuseront seront exempts de taxes dans trois états indiens, l’Haryana, l’Uttar Pradesh et l’Uttarakhand, pour soutenir la campagne du gouvernement « Beti bachao, beti padhrao » (fais naître ta fille, éduque ta fille) qui lutte contre l’avortement sélectif des filles et parfois le meurtre des bébés de sexe féminin en Inde du nord. Ce fléau, qui a rendu des villages presque vides de femmes, et qui condamne les jeunes hommes d’aujourd’hui au célibat, vient de l’idée bien ancrée dans les mentalités qu’une fille est un fardeau : d’une part elle devra se marier et sa famille devra prendre en charge les dépenses de ce mariage, et d’autre part elle quittera sa famille pour sa belle-famille, et ne sera donc plus là pour assurer les vieux jours de ses propres parents. La naissance d’une fille est donc vécue bien souvent comme une déception, voire une honte… en attendant la prochaine grossesse pour espérer restaurer un honneur en sursis. En plus des conséquences dramatiques sur la démographie, les dégâts psychologiques sont immenses sur les petites filles qui grandissent avec la culpabilité de n’être qu’une fille, et sur les jeunes mariées sur qui la pression d’enfanter un garçon est énorme, puisqu’on leur fait porter toute la responsabilité du sexe de l’enfant.
Dangal (compétition de lutte), est donc un film nécessaire. Il raconte l’histoire vraie et contemporaine de Mahavir Singh Phogat, amateur de lutte et professionnel déchu, poussé à arrêter le sport par les réalités économiques et familiales, qui vivait dans le rêve de voir son fils réaliser ses propres rêves de gloire. En Inde, la lutte est un sport national, au même titre que le cricket. Sauf que Mahavir Singh n’eut que des filles, à son grand désespoir. Jusqu’au jour où il réalisa que ses filles pouvaient réaliser ses rêves aussi bien qu’un fils aurait pu le faire. Alors que les filles du villages étaient mariées encore adolescentes, Mahavir Singh entraînait ses deux filles, Geeta et Babita, dans ces seuls buts : la médaille d’or pour l’Inde, et faire d’elles un exemple pour toutes les filles, les femmes, mais aussi les hommes de ce pays.
Geeta est la première femme indienne a avoir jamais été qualifiée en lutte pour les jeux olympiques. Elle gagna la médaille d’or aux jeux du Commonwealth en 2010 organisés à New Delhi, et Babita accéda à l’or quatre ans plus tard, aux jeux du Commonwealth de 2014 à Glasgow en Ecosse, après avoir gagné la médaille d’argent en 2010, et une médaille de bronze en 2012 aux championnats du monde organisés au Canada.
Il ne semble pas que le film soit projeté en France pour le moment, mais vous le trouverez sur internet si vous comprenez le hindi et le punjabi, en attendant une version sous-titrée…