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Vogue Challenge

Ces dernières années, voici l’image que nous avions de Vogue, pour tout vous dire : magazine élitiste parlant d’une mode inaccessible que la plupart ne peuvent que rêver sans pouvoir même l’approcher, podiums à l’audience bondée de célébrités devenant antre de la futilité et de l’ostentation du statut et de la richesse, collections de luxe, et monopole des grandes marques sur le magazine faisant que les emplacements ne seraient jamais occupés par des créateurs émergeants… Bref, à part deux fois par an pour décrypter les tendances du moment, un ramassis de trop plein de richesse perpétuant des représentations faussées de la société, à grand renfort de mannequins anorexiques, de peaux blanches et parfaites, et de cheveux lisses et plaqués. Du coup, ce Vogue challenge sur les réseaux sociaux, ayant pour but de mettre en avant la diversité nous a fait un peu sourire et nous a paru bien arriviste dans le contexte actuel, tant le magazine encourage l’entre-soi du milieu de la mode, et l’image d’un domaine inaccessible au plus grand nombre. Soit, le lancement …

Immersion au Kurdistan iranien

Format d’article nouveau aujourd’hui, car pour la première fois un article n’aura pas été écrit par l’équipe. Nous accueillons Pauline, qui a accepté de nous confier un extrait de son carnet de voyage retranscrit ici tel quel, l’aventure de son périple en territoire kurde. Elle travaille dans le tourisme et ses pieds ont foulé une bonne partie des pays du monde, mais de 2017 à 2018, c’est pour un tour du monde à pied qu’elle s’est embarquée avec son mari, de l’Amérique du Sud à l’Asie Centrale en passant par l’Océanie et l’Asie du Sud Est. Si nous avions suivi son voyage avec passion sur les réseaux sociaux où elle partageait son aventure, c’est aussi parce que c’est une habituée du voyage hors sentiers battus et des rencontres authentiques tant avec les lieux qu’avec les personnes. En juillet 2018, elle se trouvait en Iran, et nous avions été particulièrement frappées par les paysages du Kurdistan iranien qu’elle avait partagés, alors que peu d’images circulent pour valoriser cette région. Immersion en territoire kurde… « Cela fait presque …

Nowruz, le nouvel an perse qui fait le printemps

Il est un calendrier qui suit le soleil, mais est au plus proche de la terre et des saisons, et célèbre l’entrée dans chacune d’elle. Parmi elle, la plus belle, celle qui symbolise le renouveau et la renaissance de toute chose. La fête de passage printemps a survécu à toutes les époques, et même à l’arrivée du christianisme et à l’avènement de l’islam. Depuis près de 3000 ans, des Balkans à la mer Noire, de l’Asie centrale au Moyen Orient, des centaines de millions de gens célèbrent le printemps, qui marque le nouvel an perse. Appelé Nowruz, le jour nouveau est généralement célébré le 21 mars, premier jour du printemps, selon le calendrier persan solaire, basé sur le mouvement de la terre autour du soleil. Le premier jour de l’année persane correspond à l’équinoxe vernal. Pendant les siècles de règne musulman des Moghols, de l’Afghanistan jusqu’aux confins de l’Inde, Nowruz était fêté en grandes pompes, le persan étant la langue de la cour et toute chose issue de la culture persane étant considéré comme le plus …

Le jour où le monde s’est arrêté

Il serait bien prétentieux de penser que parce-que le monde des hommes s’arrête, la planète cesse de tourner. Le monde tel que nous le connaissons, celui qui vénère la croissance économique, qui vit de voyages, d’avions en hôtels, et d’hôtels en avions, de banques en bourse, et de réseau social en réseau social, qui s’est coupé de la terre pour vivre virtuellement, s’est progressivement éteint. Contagion. Contagion de la maladie, puis contagion de la peur, et enfin contagion du confinement et de l’inertie. L’incertitude du lendemain, le rappel implacable de la condition humaine. Dire que ce siècle nous avait presque fait croire à notre immortalité, avait effacé les distances et décuplé la quantité de nos rapports sociaux, réels ou virtuels. D’un seul coup, nous revoici encastrés dans nos frontières et nos murs, séparés de nos proches, impuissants, forcés au minimalisme et à la consommation locale, effrayés par l’inconnu et l’incontrôlable. Quel immense rappel, quel drame humain, et en même temps quelle chance incroyable pour l’humanité d’avoir ainsi été prévenue avant qu’il ne soit trop tard… …

« Mere paas tum ho », la goutte de trop pour une révolution qui gronde #auratmarch

Il y a d’abord eu, en août 2019, ce nouveau drama à la télévision pakistanaise : Mere paas tum ho (Tu es avec moi, ou tu m’appartiens, selon la traduction car le verbe avoir n’existe pas en langue ourdou). Le premier épisode rassemble les foules, et petit à petit, l’audience grossit, jusqu’à devenir un phénomène, et finalement la série télévisée la plus regardée de toute l’histoire des séries pakistanaises. Casting bien choisi, stars du petit écran, un enfant révélation, tous les ingrédients du succès sont là. Pendant les premiers épisodes, on a un peu de mal à comprendre la morale vers laquelle essaiera de tendre le drama : un couple de classe moyenne avec leur enfant, famille nucléaire dans sa routine à Karachi, le mari qui travaille comme fonctionnaire (exemplarité de droiture puisqu’il refuse les pots-de-vin), la femme à la maison qui s’occupe de leur fils de 6 ans et qui s’ennuie ferme. Ils ont fait un mariage d’amour il y a sept ans après s’être rencontrés à l’université, le mari montre un amour très …

Anaar, le trésor de Kandahar

Il est en Afghanistan un trésor moins enfoui que le lapis lazuli du Badakhshan, ou que l’Emeraude du Panjshir, moins coûteux que le safran aux filaments enflammés, moins destructeur que le pavot assassin, mais tellement plus ancré dans le coeur des hommes, tellement plus évoqué dans la littérature et la poésie, tellement plus reproduit sur les motifs des étoffes ou des enluminures… C’est la grenade, anaar en dari et en pashto (langues nationales d’Afghanistan), et son fief est la perle du sud, Kandahar. Il paraîtrait que ce sont les plus rouges et les plus sucrées de la planète, et les kandaharis la portent comme un étendard et ne se lassent jamais de faire sont éloge. Récemment nous parlions avec une jeune néerlandaise d’origine afghane qui nous disait être de Kandahar. Nous avons immédiatement évoqué les grenades. Elle a éclaté de rire en disant : « Oh ne m’en parlez pas ! On ne peut pas manger une grenade où que ce soit dans le monde sans que mes parents fassent la moue en pestant : hum, …

Ouïghours, ou le silence insoutenable

Kashgar. Il fut un temps où ce nom résonnait comme le Baghdad des Mille et unes nuits, oasis au milieu du désert, bazar vibrant et grouillant, puit d’odeurs et de couleurs, étape méritée des expéditions de la route de la soie, qui arrivait comme par surprise, première civilisation rencontrée enfin après les déserts du Kazakhstan ou les montagnes d’Afghanistan et du Pakistan. Kashgar survit. Tente de survivre. Kashgar est aussi la capitale de la province chinoise Ouïghoure, le Xinjiang. Depuis plusieurs années, elle est victime des plans de rénovation décidés par le gouvernement chinois, en vue, selon ces mêmes autorités, de « moderniser » la ville. Dans les faits, ce sont toutes les traces de l’histoire et de la culture ouïghoures que l’on efface méthodiquement. Comme si rien n’avait jamais existé. Parallèlement, le gouvernement a entrepris une grande campagne de peuplement de la province par l’ethnie han, majoritaire, qui vient donc doucement mais sûrement remplacer les Ouïghours. On tente un lavage de cerveau de tous les hommes musulmans âgés de 20 à 50 ans Dans les années …

A wedding journey – Episode 2 – Histoire de Sameena

Nous sommes en novembre. Il fait nuit, et la fraîcheur monte doucement des champs de riz brûlés par le soleil. La journée est finie, plus un bruit ne vient à nous à part quelques oiseaux nocturnes. Nous sommes dans la cuisine, la pièce extérieure dans laquelle on fait le feu, entre femmes, alors que le reste de la maison est déjà couché. Nous sommes dans les mois qui précèdent le mariage de Sameena, et nous avons appris l’accord des deux familles il y a très peu de temps. Je demande à Sameena si elle a déjà vu son fiancé. Maryam ricane à côté de moi. J’ai posé la question taboue, je le sais, je l’ai fait exprès. Elle me répond qu’on lui a donné une photo. Elle ne sait pas vraiment dire si il lui plaît ou pas. Elle sait que c’est son promis, sa vie, celui qui sera à elle et à qui elle appartiendra toute sa vie. Sa mère est gentille, elle l’accueillera avec amour. Ses soeurs sont mariées, ses frères ont émigré. …

Une histoire de mariage – Episode 1

La saison des mariages commence au Pakistan. Nous avons d’abord pensé écumer les photos de défilés pour faire une sélection de looks, puis nous sommes tombées sur une campagne magnifique, celle de la collection mariées de Hussain Rehar, designer pakistanais de Lahore : Fateh Pur, Queens of Punjab. Les photos étaient tellement fortes qu’elles m’ont immédiatement projetée dans les mariages que j’avais vécus au Punjab pakistanais. Nous avons décidé d’en illustrer ces souvenirs, quelques histoires de femmes comme vous et nous. Nous sommes au Punjab, la région agricole du Pakistan. Même s’il s’agit de la région où le taux de scolarité est le plus important, les filles ne vont à l’école, dans le meilleur des cas, que jusqu’à la douzième classe, celle qui correspond au brevet des collèges. Toute leur éducation, ou presque, est destinée au mariage, et à pouvoir satisfaire un bon parti, car elle quitteront leur famille pour aller vivre dans la maison de leur belle-famille. Il leur faut un peu d’éducation, mais pas trop, pour qu’elle puisse se satisfaire de sa situation …

Une histoire de frontières #kashmir

Si la colonisation a fait des ravages sur le plan humain, éthique et culturel, la décolonisation a été lourde de conséquences, partout dans le monde. L’une des principales causes des conflits actuels est le tracé des frontières, effectué par les colons avant leur retraite. Au Pakistan, c’est le cas pour toutes les provinces du pays ou presque. En 1947, au retrait des Anglais, il est  finalement décidé, après moultes discussions et manifestations, de séparer l’ancien Empire Britannique en deux états distincts : L’Inde, à majorité hindoue, et le Pakistan, nouveau pays créé pour les musulmans, qui se déploiera sur les provinces à majorité musulmane. De nouvelles frontières sont donc tracées et les provinces pakistanaises créées : Khyber Pakhtunkhwa, Balochistan, Sindh, Punjab, et Bangladesh (ce dernier obtiendra son indépendance en 1971). Nous reviendrons plus tard au cas du Kashmir. Au Khyber Pakhtunkhwa, la ligne Durand, tracée par les Britanniques à leur départ, a séparé l’Afghanistan du nouveau Pakistan, coupant l’ethnie pashtoune en deux volontairement (et allant même jusqu’à couper les tribus les plus gênantes en deux pour les affaiblir). La …